AQUARELLES
L'Encrier
« La poésie, c’est la musique des mots. Des sons, une harmonie qui s’enchainent pour éveiller une image, un sentiment, un rêve. »
Errance
Enfanté par l’océan,
Fusion d’une étoile avec l’écume,
Des sirènes, le chant
Caresse son berceau de brumes.
Ni dieu, ni démon,
Simplement poète ou rêveur,
Sans visage et sans nom,
À la recherche du bonheur.
Un jour ou une nuit,
Rejeté par une noire mer
Sur cette grève d’ennui,
Sur cette terre austère,
Il y trouva sans peine
Le mépris et la misère;
Violence délétère
Engendrée par la haine.
Fuir ce monde hostile
Où le rêve n’a pas place;
Fuir tous ces périls
Avant que la vie ne s’efface.
Au pays des songes éternels,
Au plus profond de l’océan,
Dans l’immensité du ciel,
Là où s’arrête le temps.
Ballade pour un guerrier
Où t’en vas-tu triste conquérant?
Tu traînes ta misère comme un chien errant.
Pour qui te bas tu? Pour un seigneur,
Pour un empire ou bien pour l’honneur.
Tu parcours un monde déchiré,
Livré à la haine et à la violence.
Tu traverses des déserts de silence,
Des villes ruinées, des campagnes atterrées.
Que cherches-tu parmi ces décombres?
La mort est passée par-là avec sa faux;
Il ne reste plus que des ombres
Et des chimères qui courent les hameaux.
Alors, fuis ce monde de malheur
Où ne règne que la guerre et l’horreur.
Traverses les océans, le ciel, et ton cœur
Retrouvera la paix et le bonheur.
Je voudrais être...
Je voudrais être un oiseau aux longues ailes,
Pour pouvoir voler et planer dans un ciel bleu;
Pour sentir le vent glisser sur mes plumes de feu.
L’oiseau est pur comme l’air et presque éternel.
Je voudrais être une fleur au léger parfum,
Pour m’épanouir en paix au milieu d’un jardin.
Une douce brise agitera mes pétales
Qui demain, faneront au soleil estival.
Je voudrais être un fier et solide vaisseau
Aux voiles blanches gonflées par le dieu Éole.
De mers en océans, d’îles en atolls,
La grande aventure m’emportera sur les flots.
Je voudrais être un poète pour écrire
Sur les feuilles blanches des milliers de mots.
Strophes, vers et rimes danseront sans tarir
Sous ma plume, poussée par la muse Érato.
Le vieux Mans
Une journée en automne
Le jour se lève avec son voile de brumes
Teinté par les premiers rayons d’un pâle soleil.
Bois et campagnes baignent, encore en sommeil,
Dans une étrange clarté blanche comme l’écume.
Le vent naissant disperse les derniers brouillards
Et agite doucement les branches d’arbres.
Les feuilles rousses et or frémissent, se cabrent,
Puis s’envolent sous l’œil des corbeaux égrillards.
Une odeur de mousse et de terre mouillée
Émane du sol couvert d’un tapis de feu.
Sur le coteau, les vendangeurs s’en vont joyeux,
Achever la récolte des raisins sucrés.
A la nuit tombante, ils rentrent fatigués,
Puis s’installent devant la grande cheminée.
Tandis que les flammes vives réchauffent leur cœur,
La lune blafarde veille dans la froideur.
A travers les siècles, l’histoire a bâti
Avec patience et amour un site émouvant;
Une cité majestueuse qui défie
Les guerres, les hommes et les assauts du temps.
La rivière s’étire paresseusement
Au pied des murailles solides et moussues.
Les hautes tours dressent leurs chapeaux pointus
Aux tuiles rongées par l’eau vers le firmament.
La cathédrale de pierre, lumineuse,
Aux vitraux colorés, veille sur le Vieux Mans.
Évêques et seigneurs, troubadours et manants,
Ont prié en cette nef silencieuse.
Les rues pavées, sinueuses et étroites,
S’animent le dimanche au gré des badauds.
Les maisons aux portes cloutées noires et droites,
Livrent à nos yeux leurs vestiges ancestraux.
Mon Île
Sur le vieil arbre mort,
Une feuille rousse
Danse et se trémousse
Au vif vent du nord.
Dans le matin brumeux,
Un champignon frileux
Au chapeau tacheté
S’éveille sous la rosée.
Petit ruisseau chemine
Entre mousses et racines;
Son eau limpide et claire
Scintille dans la lumière.
Deux écureuils roux
Amassent glands et noisettes,
Puis courent comme des fous
Les poser dans leur cachette.
C’est l’automne; la nature
Se défait de sa verdure,
C’est l’automne; la nature
Se prépare à la froidure.
Automne
Te souviens-tu du premier jour
Quand nos regards se sont croisés?
Le temps s’était arrêté,
Pensions-nous, pour toujours.
On se retrouvait après les cours,
La vie chantait, c’était l’été.
Que c’est bon quand l’amour
En nos cœurs vient frapper.
Nous n’avions comme bagage
Que l’innocence et l’insouciance
De nos quinze ans d’âge;
Merveilleuse adolescence.
Le temps si vite a passé,
Pourtant je pense toujours à toi.
Vingt années se sont écoulées,
Et je rêve encore de toi.
Sur mes lèvres, de tes baisers
J’ai gardé la saveur;
Et sur mes mains la douceur
De ta peau caressée.
Je respire encore le parfum
Exhalé par tes longs cheveux
Lorsque, d'un geste gracieux,
Tu les ramenais sur tes seins.
Les étoiles dans tes yeux
Brillent de mille feux
Et illuminent mes nuits
Quand le sommeil me fuit.
Du fond de mes souvenirs,
Tu surgis comme un mirage.
Ton visage, ton rire,
Puis tes larmes, ultime image.
Ces larmes qui ont roulé
Comme des perles de rosée,
Sur la fin de notre amour brisé.
Ces larmes n’ont de couler,
Jamais cesser en mon âme,
Y creusant des sillons
De brûlures et de flammes
Implorant ton pardon.
Le Plaisir
Terres brûlées par les vents marins,
Longues plages de sable fin,
Côtes déchirées par la mer,
Forêts profondes et austères.
L’Armorique est ainsi faite;
Pays oh combien mystérieux,
Monde à part béni par les dieux,
Mélange de coutumes et de fêtes.
Contrée aux mille légendes,
Au fin fond de Brocéliande,
Quand la lune paraît, fardée,
Sortent lutins et farfadets.
Merlin et Viviane la fée
Se joignent à eux pour danser
Autour de ces menhirs dressés,
Armée de granit pétrifiée.
Breton avant d’être français,
Jamais je ne l’oublierai.
Tes racines sont dans mon corps
Et dans mon âme; Oh mon Armor!
Paradis perdu aux confins des océans,
Tu es devenue mon refuge et mon asile.
La vie s’écoule doucement sur mon île,
Comme dans un rêve merveilleux et grisant.
Les cocotiers, bercés par le vent du large,
Tordent leurs troncs lisses et noirs vers la plage;
L’étendue de sable aux grains fins et soyeux
Rosit sous le soleil couchant qui embrase les cieux.
La mer d’émeraude, à peine agitée
Par la houle, scintille de mille éclats.
Les vaguelettes dans un chuintement feutré,
Viennent saluer et rendre hommage à Aldabra.
Féerie des images et des couleurs!
Magie et beauté d’un monde béni des dieux!
C’est l’heure où l’âme retrouve paix et bonheur;
Et moi, enivré par ces splendeurs, je ferme enfin les yeux.
Un jour, l'amour.
Un jour, je viendrai, je te prendrai par la main
Et nous partirons loin, en avion ou en train.
Un jour, nous pourrons enfin vivre et nous aimer
Comme des fous, ivres d’amour et de liberté.
Je t’arracherai à cet enfer nocturne
Où tu t’es enlisée, si jeune et si timide.
Je t’enlèverai à cette vie taciturne,
À cette rue infâme et ces trottoirs sordides.
Combien de fois as- tu arpenté ces pavés
Sous la lumière pisseuse des réverbères?
Combien as- tu passé de nuits froides et austères
Dans l’espoir de voir le jour se lever?
Bientôt, ce temps là ne sera que souvenirs;
Ton passé s’effacera de ta mémoire.
Seules, ta jupe rouge et ta veste de cuir
Te rappelleront qu’un soir, j’ai croisé ton regard.
Conte du casseur de pierres
Un petit casseur de pierres, soufflant, suant,
Vit passer devant lui une chaise à porteurs.
A l’intérieur, un gentilhomme somnolant
Lui inspira cette prière: « Ah! Seigneur!
Que ne suis-je né noble pour vivre ainsi ! »
Celui-ci entendit et aussitôt donna
Au pauvre homme chaise et beaux habits.
Par monts et par vaux, un long moment il erra,
Avant de croiser un grand carrosse doré.
« Ah! Seigneur! Que ne suis-je né prince ou roi! »,
Et sa prière fut à nouveau exaucée.
En carrosse il roula, vêtu d’or et de soie.
Mais peu après, le soleil monté au zénith
Transforma le carrosse en fournaise.
« La puissance du soleil est sans limites,
Et si je le remplaçais, j’en serais fort aise. »
A nouveau, le Seigneur accomplit son vœu;
Il put ainsi resplendir dans un ciel serein.
Le soir venant, un gros nuage ténébreux
Anéantit sa gloire et changea son destin.
« Celui-là est donc plus fort que le soleil,
Se dit-il. Alors Seigneur, faites-moi nuage. »
C’est ainsi que notre homme troqua rayons vermeils
Contre un manteau de gouttelettes volages.
Le lendemain, un vent violent emporta tout
Sur son passage; Rien ne put résister.
Effiloché et devenu quelque peu flou,
Le nuage interpella le ciel sans tarder.
Devinez-vous ce qu’il lui demanda?
Hé oui! Le Seigneur inlassable le fit vent.
Il souffla sur les villes, les champs et les bois
Jusqu’à la falaise qui coupa son élan.
Par trois fois, il chargea cette masse calcaire
Qui refusait obstinément de s’abaisser.
Se sentant impuissant, il se mit en colère,
Clama à tout va qu’il en avait assez,
Et ordonna qu’on le transforme en falaise.
Dominant l’océan de toute sa hauteur,
Il admira le soleil, rouge comme braise,
Et pensait enfin avoir trouvé le bonheur.
C’est alors qu’apparut un être curieux;
C’était un casseur de pierres, soufflant, suant,
Qui entreprit de briser le rocher crayeux.
Un dernier vœu adressé au tout puissant
Et notre héros retrouva pioche et pelle.
De cette aventure, il tira une leçon:
« Dieu nous donne une entité; restons-y fidèle!
Puissance et bonheur ne sont qu’impressions. »
Bretagne
Parfois sous les ombrages,
Parfois au soleil sur les hauteurs,
Serpente un chemin de bonheur
Le long des falaises et des plages.
Calé entre océan et Brière,
Coincé entre le ciel et la terre,
Il déroule dans la lumière,
Son tapis de sable et de pierres.
De St Nazaire à ste Marguerite,
Quelques marches de granit
Descendent à la grève parée
D’étoiles et de coquillages,
Souvenirs laissés en sillages
Par courants et marées.
Les bosquets en abondance
Laissent entrevoir les carrelets,
Cabanes de planches scellées
Sur des pattes immenses
Tel des insectes géants.
Gardiens sans vie, tenant
Encore à de vieux pontons
Branlants et fissurés.
Là haut, sur la crête dorée,
Les genêts agitent leurs buissons
De fleurs jaunes au vent de mer,
Balayant les épaves de fer
Et de béton, vestiges décharnés
Des sombres années.
Du Pouliguen au Croisic,
La côte sauvage, féerique,
Dresse ses rocs titans déchiquetés,
Contre les flots mouvementés.
Les vagues se cassent, se déchirent,
Puis meurent, écume de sel.
Le soir tombe, et le ciel
Prend cette teinte de cire
Que les peintres débutants
Tentent de capturer sur leur toile.
Le soleil, enrobé de voiles,
Sombre enfin dans l’océan.
Sur un banc, deux amoureux
S’embrassent tendrement,
Se faisant des serments
Pour toujours, prenant les dieux
A témoin, face à la beauté
Des lieux. Unique instant,
Dont seuls leurs battements
De cœur troublent la sérénité.
La nuit s’installe, libérant
L’envoûtant parfum
Des chèvrefeuilles et seringats
Tapis entre les villas.
Quelques étoiles scintillent,
Et bientôt, les flots obscures
Reflètent la lune, éclat blanc pur
Qui flotte, tangue et vacille.
Le sentier s’est endormi,
Bercé par le va et vient câlin
De l’onde enfin assagie.
Il rêve déjà au lendemain.
La fin d'une vie
Adieu l’ami, finie la vie;
Plus d’ennuis, plus de soucis.
Salut l’ancien, c’est la fin;
Tu sais, je t’aimais bien.
A toi ma femme aimée,
Je te laisse nos souvenirs;
Quelques images fanées,
Un peu de larmes, un peu de rires.
Et vous mes doux enfants
Que je chérissais tant,
Laissez moi vous embrasser
Car ces baisers sont les derniers.
C’était pourtant si bon,
Ces joies, ces pleurs, ces passions;
C’était pourtant si fort,
Que j’en voudrais encore.
Mais ça fait mal au cœur
Et il ne faut pas que je pleure.
Allez, adieu la vie, et tant pis
Si je l’ai pas bien remplie.
Fanfan
Le temps s'écoule sur nos vieux jours
Sans pitié ni remord.
Le temps s'écoule sur notre amour
Sans le moindre réconfort.
Il glisse sur nos mains ridées
Comme une feuille racornie,
Par la brise poussée
Sur l'étang endormi.
Il souffle sur nos vies
De plus en plus doucement
Et nos coeurs battent au ralenti,
Mais jusqu'à quand?
Il caresse nos souvenirs,
Les effaçant par morceaux
Du plus mauvais au plus beau,
Pour que la mort puisse venir.
Dans un dernier mouvement,
Il éteint silencieusement
La flamme de l'existence,
Pour laisser notre âme en partance.
La vie terrestre s'est arrêtée.
Mais dans les champs célestes,
Ni passé, ni futur. Seule reste
La lumière d'éternité.
Le temps s'écoule...
Secrété par nos cinq sens,
Le plaisir se consomme
Sans modération, en abondance,
Qu’on soit femme ou homme.
Admirer un tableau, un paysage,
Ou bien encore un visage
Eclairé d’un gracieux sourire,
Au regard brillant de désir.
Sentir glisser sous ses mains
La délicatesse, le satin
D’une courbe sensuelle
Aux desseins si charnels.
Respirer l’envoutant parfum
Abandonné en chemin
Par une inconnue dans un envol
De jupons frivoles.
Gouter la saveur épicée
D’un plat longtemps mijoté,
Ou bien la légèreté troublante
D’une bonne bière moussante.
Ecouter l’éternelle musique
Des Pink Floyd mythiques,
Dont les morceaux langoureux
Des guitares nous portent aux cieux.
Mais le plus merveilleux des plaisirs,
C’est de partager désirs,
Peines, joies et peurs,
Avec l’autre, miroir de son cœur.
La vieille jetée
Tes vieilles pierres noires et usées
Portent des blessures creusées
Par les assauts fougueux et rageurs
D’un océan de méchante humeur.
Caresse des vagues après tempêtes,
Suintent de tes plaies ouvertes,
Toute la lassitude et la détresse
D’un soldat guerroyant sans cesse.
Mais quand vient la nuit sombre,
Le phare, dressé dans l’ombre
Comme une sentinelle aux aguets,
Balaye de son œil blanc fatigué
L’obscurité angoissante des flots
Que brisent les roches à fleur d‘eau.
Parfois, des tampons d’écume
Légers et graciles comme plumes,
S’envolent dans le vent sauvage
Vers de lointains rivages.
Demain, quand le soleil revenu
Sèchera tes dalles mouillées,
Enfants et promeneurs inconnus
Longeront ta rambarde rouillée,
Projetant leur regard et leurs rêves
A l’horizon, sur d’autres grèves.
Le sentier des Douaniers
Entre Anjou et Touraine,
Les princes et les reines
De France ont façonné
Un bel écrin satiné,
Saumur. De cet écrin
Resplendit un joyau
Drapé de blanc tuffeau,
Le château hautain.
Perché sur le coteau,
Il protège la cité
Étendue à ses pieds,
Bruissant de badauds.
Son image, le soir,
Se reflète dans la Loire,
Dont les eaux lassées
Du cri des martinets
Viennent se reposer
Sur les bancs de sable rosé.
Saumur respire,
Saumur soupire,
Ligérienne quiétude.
Et les gens qui arrivent,
Y naissent, y vivent,
Baignent en cette plénitude.
La vie coule en soi
Au rythme du fleuve roi,
Au rythme des saisons,
En totale communion
Avec cette cité
Qui semble exister
En dehors du temps
Et loin des évènements.
Saumur
Vibrato
Que serait ma vie sans musique ?
Vide comme une plaine désertique,
Vide comme une nuit sans rêve.
Mais quand Euterpe de sa lyre
Emet quelques accords à ravir,
Un tourbillon de plaisir s’élève,
M’emporte vers l’infini
En des contrées inconnues,
Ravive des souvenirs perdus.
Qu’importe le style choisi,
Rock, pop, jazz, classique,
Blues, reggae ou bien celtique,
Pourvu que chaque mélodie
Libère en moi un paradis
De sensations et d’émotions.
Qu’il est bon de se laisser porter
Par des vagues de sensualité,
De mélancolie ou de passion !
La musique introduit la fête
En mon cœur et en ma tête.
Alors, chaque solstice d’été,
A la muse je rends hommage
Pour que, dans sa grande bonté,
Elle continue son ouvrage.
Et à l’heure de ma mort venue,
Le voile de sa douce mélopée
Viendra m’envelopper,
Pour m’accompagner aux nues.